LA POLITIQUE DES "PETITS PAS"
La plupart des personnes qui entament un travail de développement personnel ou de psychothérapie sont pressées de se voir changer. Elles sont également pressées que leur entourage perçoivent le changement pour lequel elles sont venues consulter.
Elle sont d’autant plus pressées d’obtenir des résultats que les séances ont un coût!
Or, un changement spectaculaire n’est pas forcément le meilleur qui soit.
Il n’y a pas de généralité qui concerne 100% des gens. Cela arrive que des personnes voient leur perception du monde et leurs comportements changer très rapidement et de façon bénéfique sur le long terme.
Mais parfois… un changement massif et soudain ne va pas être salutaire, même s’il va dans le sens souhaité par la personne qui consulte.
Notre organisme a souvent besoin d’apprivoiser la nouveauté pour pouvoir l’adopter.
Si vous jetez un enfant qui ne sait pas nager dans le grand bain de la piscine, il va probablement apprendre à nager, tant bien que mal.
On peut dire qu’il a atteint l’objectif: à présent il sait nager!
Seulement il a eu peur de se noyer, et c’est parce qu’il a poussé au maximum ses capacités d’adaptation dans un objectif de survie qu’il a réussi à adopter un nouveau comportement.
Il y a fort à parier qu’il n’aura, à l’avenir, aucun goût pour la natation et qu’il évitera les baignades autant que possible.
De la même manière, un changement trop important, expérimenté très rapidement dans un processus d’évolution en thérapie va avoir le même type de conséquences:
La personne saura qu’elle est capable de faire différemment, mais le “coût” du changement: l’effort face à la peur notamment, va la dissuader d’adopter ce nouveau comportement sur le long terme.
Cela peut paraître paradoxal.
C’est un meilleur comportement pour nous, notre mental, notre tête bien faite nous le dit, mais notre organisme a dû faire trop d’effort d’un coup pour y parvenir et ne considère pas que le bénéfice soit à la hauteur.
Or dans cette bataille-là, ce n’est pas la tête et ses arguments qui gagnent… mais bien notre organisme et les sensations d’inconfort qu’il a ressenti dans ce qu’il considère comme une épreuve!
D’où l’intérêt de valoriser ce qu’on peut appeler “les petits pas” en matière de changement.
Leur mise en oeuvre a un coût modéré pour l’organisme, et les bénéfices sont directement mesurables.
Prenons le cas de Sophie.
Elle souhaiterait être plus féminine lorqu’elle me consulte.
L’environnement familial dans lequel elle a grandi n’a pas été propice à l’expression de sa féminité. Ses parents valorisaient l’efficacité et les résultats chez leurs enfants sans accorder également de la valeur à la dimension de l’être. Ils n’ont pas su faire sentir à leurs enfants qu’ils étaient importants pour eux simplement parce qu’ils existaient et qu’ils étaient qui ils étaient.
Sophie a cru en son for intérieur, qu’elle devait être performante pour être aimée.
Négligeant de laisser s’exprimer et fleurir peu à peu les dimensions de son être qui n’ont pas pu rayonner.
Petite fille, Sophie aimait se déguiser avec les vêtements de sa mère, enfiler ses chaussures à talons et “jouer à la dame”.
Mais peu à peu, elle s’est mise à considerer comme futile, superficiel et “pas naturel” tout ce qui a trait à la mise en valeur de la féminité: vêtements, bijoux, maquillage, coiffure…
Parallèlement à cela, elle se sentait mal dans sa peau, mal dans son corps.
Tout son corps, restreint dans sa simple expression naturelle au lieu d’être acompagné et valorisé, souffrait en silence…
Ce sont les remarques de son entourage qui l’ont peu à peu amenée à se poser des questions:
Ses amies l’incitaient parfois à essayer d’autre tenues ou accessoires. Mais Sophie ne dérogeait pas à son tailleur noir-chignon pour le travail, et jean-basket-queue de cheval le week-end.
Ses petits amis l’invitaient également, avec plus ou moins de tact, à se rendre plus féminine. Mais elle concluait intérieurement qu’elle était bien comme ça et qu’ils ne l’aimaient pas vraiment s’ils avaient envie qu’elle change.
Il n’y a aucune règle qui dicte aux femmes de porter des robes et des bijoux, de se coiffer ou de se maquiller. Et c’est bon de s’autoriser le look que l’on souhaite, surtout dans la société actuelle où le diktat de la mode enjoint les femmes à un corps et à une mode stéréotypés visant un objectif de séduction quasi-permanent.
Mais ce serait une erreur de ne pas porter attention à la mise en valeur de notre beauté naturelle (qui ne suit pas les critères de beauté des créateurs de mode ou du mannequinnat!) de la façon qui nous convient et nous illumine.
C’est se respecter dans notre unicité et notre droit à exister et à rayonner notre beauté que de faire du sur-mesure avec nous-mêmes en matière de vêtements, de coiffure, de bijoux, etc.
Prenons une fleur par exemple. Ce serait une absurdité de décider que seules les tulipes sont belles et d’essayer de faire ressembler aux tulipes toutes les roses, les marguerites, les bleuets, les hortensias,…
Chaque fleur devrait pouvoir être mise en valeur dans le pot dont les dimensions sont les meilleures pour sa croissance, mais aussi dont les couleurs lui vont le mieux. Chaque fleur devrait être entretenue comme elle en a besoin pour rayonner de son unique beauté et croître à sa mesure.
Sophie ne se trouve pas jolie. Elle porte un regard acerbe sur son physique et ne veut plus se sentir aussi mal avec son apparence physique lorsqu’elle vient me rencontrer.
Elle a fait un “relooking”, mais cette expérience qu’elle a pourtant appréciée sur le moment n’a pas permis de lui faire changer ses habitudes dans la durée.
Au fil des séances, nous aborderons bien d’autres aspects de sa vie et de son fonctionnement. Mais le travail de fond sera de lui permettre peu à peu de s’accepter et de s’aimer pour la personne qu’elle est et pas seulement pour les réalisations qu’elle est capable d’accomplir.
Un jour je la vois arriver avec un nouveau foulard. Nous n’en parlons pas tout de suite.
Une autre fois elle a mis du vernis sur ses ongles.
Petit à petit, Sophie expérimente des objets, des couleurs,… et surtout elle fait face à ses peurs… à ses doutes…
Car Sophie doute au fond de sa propre beauté, de son droit à être aimée pour qui elle est, de son droit à rayonner de sa beauté et de son unicité…
Peu à peu, parce qu’elle a des retours positifs de son environnement sur ces petits changements, parce qu’elle apprend à croire et à accepter les compliments qui lui sont faits, elle peut progressivement faire contre-poids aux paroles de ses parents pour qui seuls les résultats de ses performances avaient de la valeur.
Elle peut doucement s’autoriser à prendre pleinement sa place de femme, dans sa puissante capacité de réalisation et dans son rayonnement unique et beau.